La campagne électorale bat son plein et souffle sur le Québec un léger vent… de cynisme? Dans sa volonté perpétuelle d’alléger linguistiquement l’existence, Sur le bout de la langue porte à votre attention une série de mots qui – étrangement peut-être – prennent un tout nouveau sens selon qu’ils sont utilisés dans la vie courante ou à l’approche des élections. (Cette liste se retrouve aussi sur le mur de la valorisation de la langue, dans le couloir du E, au Cégep Marie-Victorin)
URNE
Dans la vie de tous les jours, une urne, c’est la mort. Ce mot désigne le vase qui sert à conserver les cendres des morts depuis son apparition en français. Ce n’est que plus tard, autour du 15e siècle, qu’il a pris le sens de récipient pour puiser de l’eau.
En période électorale, l’urne devient la boîte dans laquelle l’électeur dépose, non des cendres, mais son bulletin de vote et ses espoirs d’un monde plus représentatif.
BUREAU
Quotidiennement, plusieurs personnes se rendent au bureau, s’assoient à leur bureau ou se cachent dans leur bureau, selon que le mot réfère à la table de travail, à la pièce qui entoure cette même table de travail, ou à l’établissement qui regroupe des services administratifs.
Au Moyen Âge, pour faire les comptes, on déroulait sur la table une lourde étoffe appelée burel, forme ancienne de bureau. Même lorsqu’on a cessé cette pratique, on a continué de désigner la table de travail par le même nom.
Le bureau prend un autre sens le jour de l’élection. Pourtant, le bureau de vote n’a rien d’une table de travail : c’est l’endroit où nous sommes invités à voter. Il ne s’agit toutefois pas que d’un lieu physique puisqu’il accueille scrutateurs et scrutatrices, assis sagement, électeurs et électrices, le plus souvent en file, et tout le matériel nécessaire à la bonne tenue d’un vote.
BULLETIN
Depuis l’ancien français bulette (petit sceau) dont il tire ses origines jusqu’à aujourd’hui, le nom bulletin a toujours eu quelque chose d’officiel. Dans notre monde scolaire, il fait très souvent référence à ce document attendu avec plus ou moins d’appréhension et qui sert de rapport scolaire à propos du travail de l’élève.
Un bulletin peut aussi être un récépissé (attention à l’orthographe!), une jolie assonance qui désigne un document par lequel on reconnaît avoir reçu quelque chose (On vous demande d’apposer vos initiales sur une facture parce qu’on vous a remis de l’argent comptant retiré avec votre achat? C’est une forme de récépissé.)
Le jour du vote, le bulletin a aussi quelque chose de très officiel. Ce papier sur lequel on pose notre croix et tous nos espoirs ne sert pas de rapport mais plutôt de demande, de preuve de confiance envers un parti ou encore, si on adhère au Parti Nul, une façon de dire son ras-le-bol d’une démocratie désuète. Et le mot bulletin a ce sens électoral depuis le 16e siècle.
CAMPAGNE
À l’origine, campagne désignait une vaste étendue de pays plat puis, peu à peu, une étendue de champs cultivés. Aujourd’hui, la campagne évoque pour certains une brise de printemps sur des verdures ondoyantes, pour d’autres des effluves agricoles.
Mais c’est dans son sens presque militaire qu’on entend campagne ces jours-ci, comme l’ensemble d’actions ourdies pour mieux nous faire pencher d’un côté ou de l’autre. La campagne électorale partage avec la campagne militaire la froide planification d’une série d’opérations et, peut-être, les victimes collatérales.
PROMESSE
Promettre vient du latin promittere dont il n’a gardé que le sens figuré, s’engager à. Une promesse, c’est un engagement, un serment, un avenir envisagé selon certaines règles de conduite.
En période électorale, les promesses, c’est bien souvent de la poudre aux yeux…
Sources :
REY, Alain (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Éditions Le Robert, 1994. 2383p.
Druide informatique Inc., Antidote (Version 9), [logiciel], Montréal, 2015, Druide informatique.
CENTRE NATIONAL DE RESSOURCES TEXTUELLES ET LINGUISTIQUES. Portail lexical, www.cnrtl.fr