Une discussion enflammée sur les emprunts à l’anglais

Le 30 juillet 1974, la Loi sur la langue officielle (Loi 22) était adoptée. Pour souligner l’occasion, l’émission Médium large proposait ce matin une table ronde sur la multiplication des emprunts à l’anglais.

Pour l’entendre.

Les anglicismes du spectacle

La plus adorable de toutes les nièces montera sur scène pour la première fois. Du haut de ses trois ans trois-quarts, elle foulera les planches et sera un sans doute totalement survolté – ou tétanisé – joli petit rat. Dans la salle, parents, parents de parents, amis et amis d’amis sont fébriles. Le lourd rideau se lève, les projecteurs crépitent, une odeur de fumée en boîte se répand. La salle – et, on le devine, la coulisse – est en pleine effervescence : de quel côté arriveront les fleurs de lycra, les cowgirls en jupettes et les multiples reines des neiges? Est-ce que le rythme sera respecté, est-ce que les chorégraphies seront exécutées? Un orteil point côté jardin, on cesse de respirer.

« Bonsoir à tous!

J’aimerais d’abord vous remercier pour votre présence. (Yeux plissés qui regardent sous le projecteur) Vous êtes une très belle audience! Les enfants vont vous présenter un très bon show! (Sourire de satisfaction qui laisse deviner le sourire de soulagement qui apparaîtra au moment du salut final.) Tout le monde est venu à ses pratiques, et il y en a eu beaucoup! (Beaucoup, beaucoup.) Chaque groupe va vous montrer son numéro avant l’intermission. Après, la pause, la troupe va vous faire un extrait du show du mois de mai. On a vraiment hâte de vous montrer tout ça! Et on a aussi hâte à l’ovation debout! (Clin d’œil.) On arrange les derniers costumes et on commence! (Mains nerveuses, clignements d’yeux qui espèrent que le public n’a pas vu qu’on cherchait à gagner du temps. Excitation et murmures plus ou moins maîtrisés en coulisse.) On leur donne une bonne main d’applaudissements! Bon spectacle! »

En attendant le gracieux divertissement, Sur le bout de la langue se dénoue les nerfs en débusquant les vilains anglicismes. Et le monde du spectacle en est plein! Dans le laïus de la présentatrice, outre le show que tous auront repéré, on trouve aussi audience, terme qui devrait être utilisé plutôt pour parler de la séance d’un tribunal et qu’il faudrait remplacer par public. On relève aussi pratiques, auquel on devrait préférer, dans ce contexte, répétitions, et l’intermission qui, en français, est plutôt appelée l’entracte. L’ovation debout, calquée sur standing ovation, relève tant de l’anglicisme que du pléonasme. Une ovation est une salve d’acclamations publiques rendant honneur à quelqu’un. Tant d’enthousiasme se manifeste souvent en position debout, mais l’expression ne requiert pas qu’on le précise. Finalement, la bonne main d’applaudissements est aussi calquée sur l’anglais a good hand. En français, on dira plutôt des applaudissements chaleureux, même si l’image d’une bonne main semble tout à fait appropriée dans ce cas.  La présentatrice aurait pu demander aussi un tonnerre d’applaudissements ou, plus prosaïquement, « Qu’on les applaudisse! »