Une belle histoire (de participes passés)

Il était une fois, dans un temps très ancien, une grammaire selon laquelle les participes passés s’accordaient toujours, à l’oral comme à l’écrit. « J’ai écrite une ode pour vous » aurait pu susurrer un chevalier à sa dame qui en aurait sans doute « versées quelques larmes » de bonheur.

Cette grammaire très accommodante à propos de l’accord du participe passé ne plaisait malheureusement pas à tous. Les pauvres copistes qui devaient mettre par écrit ces odes et ces larmes versées étaient parfois bien embêtés. Lorsque le participe qualifiait un nom ou un sujet placé plus tôt dans la phrase, tout allait bien, mais comment préserver l’esthétique des manuscrits lorsque le donneur d’accord apparaissait plus loin dans le texte? Fallait-il laisser un espace blanc entre deux mots pour – peut-être – revenir ajouter les lettres manquantes d’un accord à rebours?

Incapable de se résigner à produire un manuscrit troué de blancs, les copistes ont plutôt choisi de ne pas accorder ces participes passés dont le donneur d’accord apparaît plus loin… soit ceux qui sont employés avec l’auxiliaire avoir!

Vraie ou non – on pourrait, par exemple, lui opposer que les copistes transcrivaient un matériau écrit, que l’accord aurait normalement dû être déjà fait! – cette histoire est jolie et résume agréablement la méthode d’accord des participes passés de Marc Wilmet.

Selon le linguiste belge, 90 à 95 % des cas d’accord du participe passé peuvent être réglés à l’aide d’une seule question: « Qu’est-ce qui (s)’est…? »

Ainsi,

J’ai composé une ode pour vous.

Qu’est-ce qui est composé? Au moment où le participe passé est écrit, on ne sait pas ce qui a été composé, on ne l’accorde donc pas.

Les larmes versées par la dame étaient des larmes de reconnaissance.

Qu’est-ce qui est versé? Au moment où le participe passé est écrit, on sait qu’il s’agit des larmes, on accorde donc le participe passé avec ce qui a été versé, les larmes (f.p.)

Chers lecteurs, vous êtes convaincus?

Qu’est-ce qui est convaincu? Au moment où le participe passé est écrit, on sait que « vous » est convaincu, on accorde donc le participe passé (m. p.).

Comme les copistes du Moyen-Âge, les utilisateurs de la méthode Wilmet n’ont pas à retourner dans le texte pour rectifier les accords!

 

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